L’Indiana Jones des parfums : « Il est difficile de trouver de nouveaux arômes, le dernier était le poivre rose dans les années 90 »
Depuis l’Egypte, l’Inde ou l’Indonésie, en passant par l’Andalousie, Dominique Rhodes Il nous raconte, lors d’une rencontre organisée par la Perfume Academy, ses 30 années de traqueur de parfums à travers la moitié du monde et son livre Le chercheur d’essences les collectionne : découvrant que l’essence des roses est aussi chère que l’or et que son transport doit se faire avec une escorte ; voyez comment les familles gitanes brûlent la résine à Huelva pour obtenir l’essence de ciste ; être témoin ou l’étape marquante de l’inclusion du poivre rose comme dernier nouvel ingrédient à rejoindre la palette olfactive des nez, sont quelques-unes des curiosités qu’il raconte avec passion.
- Comment vous définiriez-vous ?
- Je suis fondamentalement un chercheur d’essences. Je voyage aux quatre coins du monde pour trouver les ingrédients qui composent la palette d’un parfumeur, pas moins de 150 familles botaniques. Le métier a beaucoup changé et évolué au cours des 30 années où je travaille. Nous sommes dans un monde très complexe dans lequel il faut mettre en contact les pays riches, où se trouve l’industrie, avec les pays pauvres, où se trouvent les matières premières. Et il faut comprendre les deux. Ah j’entre. La parfumerie a toujours eu un sens : des sources jusqu’aux laboratoires des parfumeurs, mais moi je fais l’inverse. Je vais à la recherche des communautés pour voir comment elles pourraient répondre aux besoins de l’industrie. Et je raconte tout cela dans mon dernier livre, The Essence Seeker (Siruela).
- Durant toutes ces années, qu’est-ce qui vous a le plus impressionné ?
- Le travail artisanal. En Inde, par exemple, où les femmes vont cueillir la fleur de jasmin, il est impressionnant de voir le processus de distillation qui se déroule parfois dans le champ même où elle est cultivée avec des ustensiles anciens. Ma première rencontre avec le ciste à Huelva a également été très forte. Descubrir que uno de los productos ms potentes de la paleta olfativa de un nariz era una planta salvaje, cultivada en grandes extensiones bajo las encinas, y que dentro de ese mundo haba familias de gitanos cociendo la goma de la resina de la jara en el mismo Campagne. C’est un exemple de la force et de la fragilité de cette industrie.
- De quelle fragilité parlez-vous ?
- Dans l’industrie en général, nous sommes très préoccupés par l’avenir de la parfumerie, car plusieurs fronts sont ouverts : le changement climatique (manque d’eau) ; l’évolution du monde rural, c’est-à-dire l’existence continue de familles d’agriculteurs qui l’exercent à titre professionnel et de manière traditionnelle ; et enfin le grand défi de la régulation. Et il existe une forte pression de la part des organismes officiels, de plus en plus restrictifs quant à l’utilisation de certaines essences. Et s’ils sont allergènes, etc… Petit à petit on réglemente tellement les pourcentages d’essences que les parfumeurs sont désespérés car ils n’ont quasiment plus le droit d’utiliser le baume du Pérou (un fixateur) comme avant par exemple.
- Les odeurs sont-elles vivantes ou n’en reste-t-il plus de nouvelles à découvrir ?
- Oui, ils restent à découvrir. Mais il est important de rappeler que le 19ème siècle a été une époque de découvertes aromatiques incroyables et que les ingrédients que nous utilisons un siècle et demi plus tard sont quasiment les mêmes. Certains ont une histoire de 5 000 ans comme l’encens, et d’autres un siècle ou plus. Mais les parfumeurs ont un appétit vorace et me demandent toujours des nouveautés à mon retour de voyage. Et c’est vrai qu’on peut trouver des choses, mais ce sont des formes différentes de distillation ou de nouvelles versions de la même plante. Il est difficile de trouver de nouveaux arômes. Le dernier était le poivre rose, qui a commencé à être utilisé dans les années 90 avec Alberto Morillas.
- Une même fleur a-t-elle une odeur différente selon le climat et le sol ?
- La terre et le climat sont fondamentaux. La rose bulgare, par exemple, n’a pas l’odeur de la rose marocaine, même si c’est la même rose de Damas.
- Pourquoi existe-t-il des essences si chères ?
- Le plus cher est le Oud, une essence pure qui peut coûter 50 000 euros le kilo. C’est une résine de bois très à la mode et son obtention nécessite une distillation de 5 à 6 jours.